Circuit urbain: Vancouver

J’ai parcouru le monde entier à moto. J’ai roulé à travers l’Europe, en Indonésie, du Canada au Mexique, dans le centre-ville de New York et d’un bout à l’autre du pays. J’ai conduit un chopper dans le centre-ville de Los Angeles, de Portland et de Seattle. Un endroit où je n’ai jamais conduit un chopper? Le centre-ville de Vancouver, en Colombie-Britannique : ma ville de résidence. Le centre-ville que je peux voir de ma maison. Et juste en dehors de ce centre-ville réside mon chopper.

Vancouver est l’endroit le plus pénible où j’ai conduit une moto. Pas seulement à cause des mauvais conducteurs, mais aussi à cause des policiers. Oui, oui, je le sais. Ma moto n’a ni garde-chaîne, ni réflecteurs, ni clignotants. Mais je possède tous mes permis pour conduire une moto, je n’ai jamais été impliquée dans un accident et j’ai beaucoup d’expérience à mon actif. Mais ici, les policiers s’en foutent. Ils se moquent qu’on travaille, qu’on ait du mal à payer le loyer chaque mois et qu’on cherche juste à exprimer notre contre-culture créative (et dispendieuse) par les CHOPPERS.

« Conduit des choppers ou dégage »

Comme l’a si bien dit Tom Fugle : « N’importe qui peut conduire une moto, mais j’ai l’impression de conduire une oeuvre d’art. » Il faut parler de la conduite de ce type de moto particulier; les choppers vieille école personnalisés constituent une sous-catégorie qui trouve des adeptes aux quatre coins de la planète. Malgré qu’il soit petit, le milieu du chopper et de la moto custom est actif à Vancouver. Si vous y participez, vous avez du cran, vous avez beaucoup d’argent ou bien vous êtes cassé comme un clou.

Comprenez-moi bien, Vancouver est l’une des plus belles villes que j’ai vues et j’adore y vivre. Il y a de nombreuses routes magnifiques, d’étonnantes courbes dans les montagnes, des gens super qui font de la moto et des constructeurs drôlement talentueux. Je recommande vivement aux gens de venir passer du temps à Vancouver, mais si vous venez ici avec votre moto personnalisée, c’est une tout autre histoire.

Pendant que je préparais cet article, j’ai interviewé quelques gars qui conduisent des choppers à Vancouver. Voici certains de leurs commentaires :

 

« Le plus gros problème, c’est les policiers. Particulièrement ceux en moto. Ils ciblent les choppers. Ils vous donnent une contravention d’inspection de véhicule, remorquent votre moto, enlèvent la plaque et vous sermonnent au sujet des freins avant. »

 

« Un policier m’a dit de mettre de l’ordre dans ma vie. »

 

« À un feu rouge, un policier a enfourché l’extrémité avant de ma moto. Il m’a dit qu’il manquait de temps, mais qu’il va m’épingler la prochaine fois qu’il me croise sur la route. »

« J’ai comparu trois fois : une fois parce que je n’avais pas de miroir du bon côté de mon guidon, une autre fois parce que ma plaque d’immatriculation était trop près du sol et une autre fois parce que mes silencieux étaient “trop bruyants”. Rien n’avait rapport à ma conduite ou à ma sécurité sur la route. S’il y a une chose, c’est que le volume de mon silencieux assure ma sécurité. »

 

«La frustration est réelle et n’est pas qu’apparente dans les rues. Dans cette ville, il est difficile de trouver un logement abordable sans problème d’acariens ou sans toit qui coule, ou encore avec un garage. Nous avons tous besoin d’un endroit pour ranger nos motos, travailler à des projets et faire fonctionner ces machines. À Vancouver, le vol de moto est aussi un sérieux problème. Alors la plupart d’entre nous qui habitent dans l’est de la ville n’ont d’autre choix que de louer un espace « sécuritaire ».

 

J’ai discuté avec d’autres constructeurs de Vancouver au sujet de leur atelier. Voici ce qu’ils m’ont dit :

 

« Trouver le bon endroit est emmerdant. L’économie est en croissance ici à Vancouver et, en général, il est de plus en plus difficile de mettre la main sur une propriété. Quand tu en trouves une, le loyer est exorbitant. »

 

« Les options sont peu nombreuses quand tu cherches un atelier. Dans la plupart des endroits, la soudure est interdite et, à un des endroits que nous avons visités, on nous a dit “pas d’huile à moteur”. Avant de trouver notre dernier endroit, nous avions parcouru la ville et téléphoné à tous les entrepôts avec une affiche “À louer”. Pour la plupart, le prix excédait grandement notre limite. »

« Si nous devions quitter cet endroit, nous serions dans la merde. »

« Nos options étaient presque nulles. Il y a peu d’endroits abordables ou suffisamment spacieux pour accommoder un groupe de gars. Évidemment, la sécurité est aussi un enjeu important. Il est impossible de trouver une place qui tient compte de tout cela. »

Brady au Hawks Nest

À Vancouver, les ateliers sont difficiles à trouver. Une fois que vous en avez déniché un, vous craignez toujours que le prix du loyer monte en flèche ou que l’endroit soit démoli pour faire place à des condos. J’ai parlé à Tyler Lepore, l’un des constructeurs de choppers les plus talentueux et réputés de Vancouver. Il faisait partie de l’équipe originale de l’atelier Clark and Francis, mais il a décidé de chercher un atelier plus petit et plus rentable avec quelques amis. Tyler et les gars ont trouvé un endroit à quelques coins de rue. Ils y sont depuis près de cinq ans, et le loyer a augmenté annuellement. Bien que Tyler utilise l’atelier pour ses activités de fabrication, il partage aussi l’espace avec plusieurs autres passionnés de chopper et une portion de la cour avec une entreprise de jardinage. Il nous a dit qu’il n’avait pas de système de chauffage, même en hiver : « Nous avons économisé, alors cette année nous allons flamber du fric pour raccorder la fournaise au gaz… pour enfin avoir chaud. Mais je n’ai pas confiance au propriétaire. Chaque année, il me fait signer un bail à un prix plus élevé et je crains qu’une année ou l’autre il nous mette à la porte pour vendre le terrain, puisque le pâté de maisons au complet lui appartient. » À l’origine, ils payaient 1650 $ par mois. Il n’y avait pas d’éclairage, le toit coulait comme un panier percé (il coule encore pas mal) et l’hiver, les pluies abondantes inondaient l’atelier. « La semaine passée, un rat s’est sauvé avec notre pain de savon », ajoute Tyler. Les rénovations, l’éclairage et le câblage, les étagères et les espaces de rangement sont tous réalisés par les gars qui louent l’espace. Malgré tout, le loyer a augmenté de 500 $ depuis qu’ils ont emménagé.

Le panhead de Curtis Douglas – Espace garage de Tyler Lepore

Le Hawks Nest est un autre exemple de garage pour motocyclettes dans la ville. Situé dans une ruelle du quartier Downtown Eastside, ce n’est pas l’endroit le plus sécuritaire pour y entreposer vos objets les plus chers. Pourtant, les membres de l’atelier paient un dollar le pied carré. Plus de neuf personnes louent l’espace et même une personne y habite. Les personnes qui entrent et sortent des lieux sont si nombreuses qu’il est difficile de cacher ce qui s’y trouve. Malheureusement, peu d’autres options s’offrent aux locataires du Hawks Nest et chaque fois qu’un espace se libère, les constructeurs et les motocyclistes font la file pour sauter sur l’occasion d’obtenir la place.


En raison de l’augmentation du prix des loyers, de nombreux commerces axés sur les motos qui appuyaient la collectivité des motocyclistes, de petites entreprises locales où les constructeurs de motos pouvaient acheter des pièces, sont maintenant fermés. Il y a un manque flagrant d’espaces commerciaux abordables à Vancouver et, à cause du taux de change, il est difficile d’avoir en stock beaucoup de marques que les gens souhaitent acheter.

Un groupe d’amis, de constructeurs et de créateurs que je connais se surnomme « Lion’s Speed Shop ». L’équipe construit cadres, guidons, commandes, rehausseurs et presque tout ce dont vous avez besoin pour personnaliser ou construire un chopper. L’équipe compte même un peintre et elle aide des clients à achever leur projet de moto personnalisée. Dernièrement, le groupe a mis la main sur un espace légué par des amis, lequel se trouve également dans le quartier Downtown Eastside. En plus du garage, l’endroit comprenait un commerce. L’équipe cherche à créer un lieu où les motocyclistes peuvent se réunir, acheter des pièces et former de nouveau une collectivité.

« Malgré que nous soyons un atelier de fabrication et de peinture, nous apprécions l’énergie et le style de vie associés directement et indirectement aux “choppers” et aux motos en général. Nous avons donc planifié la création d’un espace où les motocyclistes partageant les mêmes idées peuvent se procurer le nécessaire pour réaliser leur construction, tout en ayant l’air redoutables. Dans la ville, rares sont les endroits où vous pouvez vous rendre en moto pour prendre un café et jaser avec les chums motocyclistes. Alors c’est ce que je vise à offrir. »

« Le commerce sera ouvert les soirs de semaine et de fin de semaine, ce qui permettra aux gens qui travaillent de se procurer ce dont ils ont besoin. Nous offrirons une sélection de nos pièces et autres articles comme des pneus, chambres à air, joints d’étanchéité, etc. Et aussi des vêtements rétro, des bijoux d’artisans locaux, des articles de cuir et autres. »

Rencontre au Lions Speed Shop
AJ et Blaine Connolly au Hawks Nest

Vers la fin de la rédaction de cet article, je suis arrêtée à leur atelier. Ils en sont encore à l’étape de construction, alors surveillez leur évolution au début de la nouvelle année et, bien sûr, lors de la prochaine saison de moto.

Somme toute, les adeptes de motos personnalisées de Vancouver permettent la réalisation du projet. Je vois encore des choppers se promener dans les rues, je constate que de nouvelles personnes s’intéressent aux choppers et je vois des gens qui rembarquent sur leur moto même après avoir reçu une contravention salée, après la saisie de leur moto ou après qu’on leur ait repris leur atelier sans avertissement. Les Canadiens sont tenaces, et rien ne nous arrête. Vancouver est une ville magnifique où il fait bon vivre, et j’apprécie chaque jour où je peux vivre au Canada et profiter de tous mes « jouets ». Chaque contre-culture axée sur un genre particulier doit affronter des obstacles. Pourvu que des membres soient prêts à prendre des risques et à entretenir cette contre-culture, nous survivrons. Nous conserverons nos garages, nous continuerons de faire rouler nos motos et nous aurons un endroit où acheter des pièces et nous réunir en tant que collectivité. Personne ne m’empêchera de parcourir la ville sur mon chopper. De toute façon, nous savons tous que ces policiers à moto sont jaloux de nos machines.

Ty Collins, Luke Santucci, Eric Nelson & Mathew Boucher
 / Les gars derrière le Lions Speed Shop

Merci à ceux qui ont contribué et aidé à la rédaction de cet article:  Curtis Douglas, Blaine Connolly, Ty Collins, Tyler Lepore

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